Pendant des mois au début de la pandémie on me demandait comment j’allais, mon premier réflexe en tant que mère était toujours de regarder mes enfants, s’assurer qu’elles allaient bien, qu’elles étaient en santé et heureuse. Ensuite, je regardais mon conjoint, je m’assurai qu’il semblait bien et en contrôle, puis je répondais tout simplement, oui je vais bien.
Je ne pouvais pas m’arrêter à me questionner moi-même à savoir si j’allais bien, ‘’The show must go on’’, je me racontais toujours la même histoire…
Évidemment à force de me raconter cette histoire, l’inévitable est devenu inévitable, j’ai craqué. 36 ans, 2 enfants, un conjoint vétéran en pleine analepsie, 2 entreprises qui peuvent s’écrouler du jour au lendemain à cause de la pandémie, quelques problèmes d’estime de soi non-réglé mais rien à mon sens qui puisse pousser une femme en contrôle de sa vie à perdre pied et tomber tête première en crise de panique. Je gère, je me le répète tous les jours, je gère, évidemment! Je me racontais toujours la même histoire…
C’était un beau mardi soir de mai, routine habituelle, tout le monde est heureux dans la maison, ma respiration commence à s’accélérer, les sueurs froides, le cœur qui bat à tout rompre, mes mains qui tremblent sans que je puisse faire quoi que ce soit pour les arrêter. J’ai peur, en fait je suis mortifié. Je n’ai plus le contrôle de mon corps, ni de ma tête. Mon conjoint à ce regard sur moi qu’aucune femme n’a envie de voir, celui du mélange de la peur, de l’incompréhension et du sentiment d’impuissance.
Son sentiment d’impuissance face à la situation l’a poussé à téléphoner à une amie très proche de moi pour lui demander de venir à la maison, il avait besoin d’aide, il avait besoin de support pour gérer la situation. Vous savez quelle a été la première émotion que j’ai ressentie lorsque je l’ai entendu appeler à l’aide?
La colère! Je ressentais de la colère envers lui. Pourquoi vous me direz? Parce-que pour moi, c’était comme s’il avait dévoilé à ma grande amie que finalement je n’allais pas si bien que ça, que j’étais faible, incapable de gérer mes émotions, ma famille, ma vie…
Parce-qu’à partir de ce moment précis, je ne pourrais plus jamais me raconter la même histoire…

À ce même instant, j’ai réalisé que j’étais au pied du mur, que je devais faire un choix, foncer dedans ou demander de l’aide pour réussir à le gravir et le vaincre. J’ai décidé de briser les tabous, de tendre la main…
J’ai appris que s’occuper de sa santé mentale demande un effort et un travail constant. 8 mois plus tard, je prends le temps de prendre le temps, de dire non, de me regarder chaque jour dans le miroir et d’accepter que je vaux la peine qu’on prenne soin de moi.
Cette précieuse aide et se lâcher prise mon permis de ressentir plus d’empathie et de compréhension envers les autres et moi-même. J’assume maintenant que les gens ont de bonnes intentions, qu’ils veulent vraiment savoir comment MOI je vais et qu’il ne faut plus hésiter, se retenir et accumuler.
Particulièrement pendant la dernière décennie, notre société s’est malheureusement concentré sur le paraître, le visuel, un monde où les gens frôlent quasiement l’alexithymie. Il est devenu difficile de demander de l’aide sans s’attendre à ce que le jugement des autres nous frappe au tournant.
Peu importe qui tu es, d’où tu viens et ce qui a fait de toi la personne que tu es maintenant, sache qu’il y a toujours quelqu’un qui n’attend qu’un signe de toi pour t’amener tranquillement vers une vie ou l’avenir ne t’effraie plus…
Toi? Quelle est ton histoire…?
Isabelle Fortin